Communs et alimentation. La reconfiguration des relations de propriété à travers les systèmes agro-alimentaires alternatifs

Etienne Verhaegen
2016

EMES Conferences Selected Papers Series, ECSP-P16-22

Un nombre sans cesse croissant d’activistes et de chercheurs brandissent les “communs » comme concept et comme pratique en tant qu’antidote au capitalisme néolibéral. Comme le résument Jeffrey et al., « The commons, after all, is a name for a disparate set of practices and conflicts across the globe connected—sometimes directly—by a commitment to life beyond marketisation, privatisation and commercialization” (2012:1249). La montée de la critique de la globalisation néolibérale et celle de la méfiance à l’égard de l’Etat et de la démocratie représentative crée un moment historique pour un mouvement à la fois politique et réflexif des communs et de la propriété commune. Pour Dardot et Laval (2014), l’actuelle convergence des mobilisations contre les néolibéralismes qui s’opère au nom du commun marque un moment nouveau dans l’histoire des luttes sociales contre le capitalisme à l’échelle planétaire. Il s’agit non seulement d’une nouvelle façon de contester le capitalisme, mais aussi d’envisager son dépassement.

Son succès actuel exprime la montée de deux angoisses conjointes : l’avancée de la frontière de la privatisation de plus en plus loin dans l’intime tant moral que physique des individus et le sentiment d’impuissance face à une globalisation et une opacité qui éloignent et floutent les leviers d’action civique et politique. L’idée du commun est alors à la fois le désir de reprendre possession de son environnement proche, réanimer des formes de production et d’échanges qui ne sont plus fondées sur les seules institutions capitalistiques du marché, et retrouver les valeurs de partage, solidarité, convivialité. La “commonification” contre la “commodification”? La protection comme la re-construction des communs est clairement à l’agenda de chercheurs et d’activistes de plus en plus nombreux.
L’horizon de cette dynamique de « reclaiming the commons » étant aussi vaste que largement partagé, l’idée de communs véhicule elle-même de multiples significations et recouvre des pratiques très diverses. Le foisonnement dans l’usage militant et intellectuel du concept contribue à l’envelopper d’une aura mystique et lui attribuer un pouvoir quasi magique de progressisme social et politique. Le risque est de le transformer en slogan, certes mobilisateur, mais sans portée réelle pour l’action. Comme l’écrit Rodotà (ECC report 2013:8), « If everything is a commons, nothing is a commons ».

Il est donc important de tenter d’éclairer le contenu des différents tiroirs discursifs, symboliques, pragmatiques, …, de cette idée de commun par l’analyse des pratiques et projets qui s’en revendiquent. Pour ce faire, il est proposé de dégager quatre axes de mobilisation : celui des règles et de la gouvernance autour des ressources, celui du bien commun et de son éthique, celui des valeurs et celui des pratiques politiques.

Le commun est perçu généralement comme l’opposé radical au binôme propriété privée – propriété publique, ou comme le paradigme de la non-propriété (Pedersen 2010 ; Dardot et Laval 2014). Cette contribution propose d’interroger cette double vision et d’aborder l’idée de commun sous l’angle de la propriété dans ses multiples dimensions et conceptions. Il s’agit par là de tracer un fil conducteur traversant et unifiant la polysémie de l’idée de commun. Cette grille de lecture, comme d’autre sans doute, montre que plus que des axes, il faut parler de niveaux. Niveaux d’analyse, comme l’évoque Allaire (2014), mais aussi articulation des différentes dimensions du commun, avec leurs contradictions mais plus encore leur nécessaire superposition et leur renforcement mutuel. Inversement, la compréhension du commun sous l’angle de la propriété conduit à élargir les conceptions qui entourent celle-ci et déborder du cadre du droit dans lequel la propriété est souvent enfermée.

Cette « mise en ordre » sera réalisée sur un terrain particulier, celui des réseaux agro-alimentaires qui se veulent alternatifs, que l’on peut, avec Renting et al. (2012), regrouper sous le vocable de civic food networks (CFN). Aujourd’hui, les défenseurs de systèmes alimentaires environnementalement et socialement plus durables se sont emparés de l’idée de commun et l’expression common food (ou food as commons) constitue un important slogan mobilisateur et fédérateur. Il est pris à la fois comme un idéal, une visée globale, et comme pratiques autour de l’accès aux ressources agraires et aux biens alimentaires. Comment les discours et les pratiques explorées à travers ces réseaux renouvellent la question de la propriété et alimentent le débat actuel sur l’idée de commun? Cette contribution vise à apporter des éléments de réflexion en s’appuyant sur la littérature foisonnante consacrée à ces espaces d’innovations (principalement ceux d’Amérique du Nord et en France) et sur nos propres observations de certaines expériences belges.

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