Si la gouvernance sâest imposĂ©e, depuis plusieurs annĂ©es, comme une question dâimportance primordiale dans les entreprises classiques (Berle & Means, 1932), les institutions de microfinance nâont pas aussi Ă©chappĂ© Ă cette nĂ©cessitĂ© (Rock et al., 1998), il y a une trentaine dâannĂ©es. ConsidĂ©rĂ©e comme incontournable pour traiter les problĂšmes relatifs au dĂ©veloppement Ă©conomique et social (WĂ©lĂ©, 2009), la gouvernance sâimpose aussi comme un facteur indĂ©niable pour renforcer le rendement financier et lâaugmentation de la sensibilisation dans les institutions de microfinance (Rock et al., 1998 ; Labie, 2001; Helms, 2006). Plusieurs auteurs ont contribuĂ© Ă la comprĂ©hension de la gouvernance dâentreprises en recourant Ă une multitude dâapproches thĂ©oriques (Jensen & Meckling (1976) ; Fama and Jensen (1983a) pour lâapproche shareholders ; Freeman (1984) ; Donaldson & Preston (1995) ; Hung (1998) pour lâapproche stakeholders ; Meyer and Rowan (1977) ; Mertens (2010) ; Muth & Donaldson (1998) ; Berle & Means (1932) ; Labie (2005a) pour les approches dites alternatives). AppliquĂ©es dans les organisations coopĂ©ratives et prises individuellement, ces approches se sont avĂ©rĂ©es plutĂŽt unidimensionnelles et nâĂ©clairent quâun aspect des Conseils dâAdministration (Cornforth, 2004). DâoĂč une nĂ©cessitĂ© dâune dĂ©marche intĂ©grant les intuitions de toutes ces perspectives sâest fait ressentir. Ainsi, une perspective en termes de paradoxe (Cornforth, 2004) a contribuĂ© Ă faire ressortir des dilemmes, des paradoxes et des tensions auxquels les conseils dâadministrations sont confrontĂ©s. Plusieurs chercheurs ont fait recours Ă cette perspective de paradoxe dans diffĂ©rentes organisations (Demb & Neubauer, 1992 ; Wood, 1996 ; Sundaramurthy & Lewis, 2003), mais elle aussi nâa pas fait long feu. CritiquĂ©e de se concentrer uniquement sur le conseil dâadministration, cette perspective de paradoxe est aussi reprochĂ©e dâignorer le rĂŽle des facteurs contextuels.
Or, comme lâaffirment Meyer & Rowan (1977), DiMaggio & Powell (1983), les facteurs environnementaux jouent un rĂŽle indĂ©niable dans la maniĂšre de rendre les organisations isomorphes. Rijpens & Adam (2011) soulignent aussi que les facteurs tant internes quâexternes Ă lâorganisation interviennent dans la rĂ©flexion sur le modĂšle de gouvernance Ă adopter. Hudon et Seibel (2007) dĂ©fendent que les conflits et les catastrophes affectent gravement les conditions socio-Ă©conomiques des institutions, la gouvernance publique, les rĂ©seaux et les relations sociales des citoyens, y compris ceux qui ont trait Ă lâĂ©change ou aux transferts des ressources financiĂšres. Le prĂ©sent article se penche sur lâinfluence dâun conflit armĂ© sur la gouvernance des coopĂ©ratives. Il est construit autour de trois questions fondamentales. (1) Que recouvrent les systĂšmes de gouvernance des coopĂ©ratives ? (2) Quel est le modĂšle thĂ©orique de gouvernance adaptĂ© aux coopĂ©ratives Ćuvrant dans des contextes conflictuels ? (3) Comment un conflit armĂ© influence-t-il la gouvernance des coopĂ©ratives?
Pour rĂ©pondre Ă ces interrogations, cet article part, dâabord, de la confrontation des approches thĂ©oriques existantes dans la littĂ©rature sur la gouvernance dâentreprises en gĂ©nĂ©ral et celle des coopĂ©ratives en particulier. Il Ă©labore ensuite, un modĂšle de gouvernance adaptĂ© Ă la situation conflictuelle. Enfin, ledit modĂšle sera testĂ©, aprĂšs collette des donnĂ©es, Ă partir dâune Ă©tude qualitative de terrain basĂ©e sur la triangulation des ressources documentaires et des interviews des acteurs clĂ©s des organisations sous Ă©tudes, dans un pays oĂč des institutions de microfinance ont Ă©voluĂ© en situation conflictuelle. Les rĂ©sultats seront prĂ©sentĂ©s dans un autre article.